Informations. | |
Extraits. |
Échantillons de pensé. Papiers collés II. |
Procédés typiques. | Ingrédients. |
Début et fin. Antiquité-aujourd'hui.
Lieux. Europe, Amérique du Nord.
Héraclite (VIe siècle av. J.-C.), De la nature.
Marc-Aurèle (121-180), Pensées.
Blaise Pascal (1623-1662), Pensées.
La Bruyère (1645-1696), les Caractères.
Vauvenargues (1715-1747), Maximes et Réflexions.
Chamfort (1741-1794), Pensées, Maximes et Anecdotes.
G.C. Lichtenberg (1742-1799), Aphorismes.
Goethe (1749-1832), Maximes et Réflexions.
Rivarol (1753-1801), les Pensées.
Joseph de Maistre (1753-1821), Maximes et pensées.
Joseph Joubert (1754-1824), Pensées.
Bonald (1754-1840), Pensées.
Jean Paul (1763-1825).
Napoléon (1769-1821), Maximes et pensées.
F. Schlegel (1772-1829), Novalis (1772-1801), Fragments.
Schopenhauer (1788-1860), Aphorismes sur la sagesse dans la vie.
Heine (1797-1856).
Leopardi (1798-1837), Cent onze pensées.
Victor Hugo (1802-1885), Pierres.
Baudelaire (1821-1867), Mon coeur mis à nu.
Nietzsche (1844-1900), le Gai Savoir.
Anatole France (1844-1924), le Jardin d'Épicure.
Lautréamont (1846-1870), Poésies.
Paul Valéry (1871-1945), Tel quel.
Karl Kraus (1874-1936).
Pierre Reverdy (1889-1960), En vrac.
Georges Bataille (1897-1962), l'Expérience intérieure.
Jean Rostand (1894-1977), Pensées d'un biologiste.
Paul Éluard (1895-1952), Poésie intentionnelle et poésie involontaire.
René Char (1907-1988), Feuillets d'Hypnos.
Maurice Blanchot (1907-), l'Écriture du désastre.
Cesar Pavese (1908-1950), le Métier de vivre.
Simone Weil (1909-1943), Cahiers.
Emil Cioran (1911-1995), Syllogismes de l'amertume.
Félix Leclerc (1914-1988, Québec), le Petit Livre bleu de Félix.
Roland Barthes (1915-1980), Roland Barthes par Roland Barthes.
Pierre Vadeboncoeur (1920-, Québec), le Bonheur excessif.
Georges Perros (1923-1977), Papiers Collés.
Albert Brie (1925-, Québec), le Mot du silencieux.
Michel Butor (1926-), Envois.
Jacques Brault (1933-, Québec), Trois fois passera.
Gilbert Langevin (1938-1995, Québec), Confidences aux gens de l'archipel.
1) La pensée (et le fragment). C'est un énoncé lapidaire et dense qui exprime une vérité ou une idée originale. Il ne s'agit pas d'une vérité collective ou universelle comme dans la sentence, mais plutôt d'une vérité tirée d'une expérience personnelle, présentée comme un point de vue sur le monde et assumée par un auteur. Même si cette vérité est généralisée, sa prise en charge par un sujet signale au lecteur qu'il ne doit pas la considérer comme indiscutable et définitive. La pensée n'est pas un "pur énoncé" comme le proverbe et le dicton. En outre, la subjectivité y est plus marquée que dans la maxime: le JE est employé plus souvent. Il y a toujours un sujet qui énonce la pensée.
Le caractère de nouveauté et d'originalité est important dans la pensée. Alors que la sentence, le proverbe et le dicton expriment une vérité que tout le monde connaît déjà et ne font que répéter la doxa, la pensée d'auteur doit proposer un point de vue inédit sur les choses. Il s'agit de remettre en question les vérités reçues, ce que tout le monde pense déjà, de démystifier les choses (l'auteur porte un regard critique et ironique sur tout), de bousculer le lecteur dans ses habitudes de pensée. L'énoncé cherche à agir sur l'esprit du lecteur (fonction conative). Il atteint ce but d'emblée par sa forme lapidaire: la pensée s'exprime souvent dans une formule percutante qui frappe vivement l'esprit du lecteur. Elle va droit à l'essentiel, sans s'embarrasser de précautions préliminaires; les développements et explications atténueraient l'effet recherché. La formule radicalise la pensée. Le style qui caractérise la pensée d'auteur est à la fois coupé (parataxe, raccourci, ellipse) et cursif (pas de superflu).
Le dicton et le proverbe se présentent sous la forme d'un énoncé clair et simple qui permet une compréhension immédiate. La pensée, au contraire, diffère la compréhension en déroutant, en étonnant le lecteur. Elle y arrive avec des rapprochements inattendus, forcés (de mots, d'idées), des contrastes forts, des comparaisons inusitées, des exagérations, des paradoxes, etc. Ex. "Prince à un roi plaît parce qu'il diminue la qualité" (Pascal). Le travail sur la forme est donc très important. Il y a toujours rupture de prévisibilité. L'écriture elliptique rend parfois la lecture difficile, les transitions et les liens ne sont pas clairement indiqués. C'est au lecteur à faire son propre travail de réflexion. Il peut s'approprier la pensée. L'inachèvement de la forme incite le lecteur à compléter la pensée à sa manière. La vérité ou l'idée qu'énonce la pensée d'auteur n'est pas donnée tout de suite; elle est complexe, ambiguë. Cette complexité explique que la pensée ne passe jamais dans l'usage (contrairement à la maxime qui, malgré l'originalité du point de vue qu'elle propose, cherche par sa clarté et son efficacité à devenir proverbe).
La pensée (et le fragment) relève d'une écriture discontinue, courte, disjointe et ambiguë qui s'oppose au discours continu, plein, lié qui prétend tout expliquer et tout dire. Elle réfute la linéarité et l'univocité de ce type de discours, car elle donne l'impression qu'il y a une logique dans la complexité du monde, elle substitue un ordre au désordre de la réalité. Donc l'esthétique de la pensée et du fragment constitue un rejet de l'éloquence. Elle suggère aussi que la vérité ne s'atteint qu'à travers le paradoxe et la contradiction.
La pensée n'est jamais soumise à un autre discours, comme le sont souvent le proverbe et la maxime. Elle se suffit à elle-même, elle forme un petit tout (comme le suggère l'isolement de chaque pensée par des blancs dans un recueil).
La forme fragmentaire jouit en général d'une grande faveur en période de crise, quand il y a méfiance à l'égard des systèmes et des grandes théories.
Le fragment est un texte bref qui peut se présenter sous deux formes: partie conservée d'un ouvrage disparu, ou bien extrait d'un texte volontairement ou non inachevé. Voir romantisme allemand: Novalis, Lichtenberg. Voir texte de Perros dans la partie B pour un exemple de fragment "voulu".
2) Le mot historique. Parole devenue célèbre, le plus souvent prononcée par une personnalité en vue, dans une circonstance qui retient l'attention de tous. C'est une parole qui a un contenu typique et qui peut entrer dans l'usage, que l'on citera comme on fait d'un proverbe ou d'une maxime. Il s'agit souvent d'un trait d'esprit. Ex. À propos du leader d'un parti fasciste, le roi des Belges Léopold III aurait eu ce mot: "il est suffisant, mais insuffisant". Souvent ce sont les dernières paroles d'un mourant. Ex. "Mehr licht (Plus de lumière)" (Goethe).
3) La citation. C'est un passage emprunté à un auteur pour appuyer ce que l'on dit ou pour orner un texte. La citation en littérature est la plupart du temps une pensée d'auteur. Voir procédés, partie C.
Origines.
- Les phrases clés des contes, des psaumes.
- Sentences et apophtegmes de la littérature grecque et latine.
- La maxime (voir dossier sur la maxime).
- Le proverbe.
Postérité.
L'écriture fragmentaire occupe une place importante dans la
littérature contemporaine. La "réalité" étant
perçue aujourd'hui comme quelque chose de dispersé, de
décousu, d'éclaté, le discours continu et logique n'est
plus apte à en rendre compte. Les écrivains ont renoncé
à tout système exhaustif et totalisant qui permettrait
d'expliquer la réalité dans toute sa complexité.
À l'oeuvre achevée et fermée, ils
préfèrent les fragments, les ébauches, les textes qui
avouent leur inachèvement. La réalité ne peut plus se
saisir que par bribes, par traits. L'ouverture et la plurivocité du
fragment font de lui un genre littéraire éminemment
moderne.
BARTHES, Roland, La Rochefoucauld: Réflexions ou Sentences et Maximes in
le Degré zéro de l'écriture suivi de Nouveaux essais
critiques, Paris, Seuil, Points, 1972, pp.69-88.
BRIE, Albert, le Mot du silencieux, Montréal, Fidès, 1978.
COMPAGNON, Antoine, la Seconde main ou le travail de la citation, Paris, Le Seuil, 1979.
DUPRIEZ, Bernard, Gradus, Paris, Union générale d'Éditions, 1977, articles Maxime et Citation.
JOLLES, André, la Locution, in Formes
simples, Paris, Le Seuil, 1972, pp.121-136.
LAFOND, Jean éd., les
Formes brèves de la prose et le discours discontinu (XVIe et
XVIIe siècles), Paris, J. Vrin, 1984.
LÉONARD, Monique, le
Dit et sa technique littéraire, Paris, H. Champion, 1996.
ROSSO, Corrado, Procès à La Rochefoucauld et à la
maxime, Pisa, Éditrice Libreria Goliardica, Paris, A.-G. Nizet,
1986.
SURJUS, Hélène, Roland Barthes et la scène de
l'écriture: vers le fragment, Bordeaux, LAPRIL, 1993.
Encyclopeadia Universalis, articles Aphorisme, Fragment et Maxime.
Grand dictionnaire
encyclopédique Larousse, articles Citation et Pensée;
Dictionnaire de citations du monde entier, sous la direction de
Florence Montreynaud et Jeanne Matignon, Paris, Les Usuels du Robert, 1979,
avant-propos d'Alain Rey, pp.V-VIII.
Dictionnaire des
littératures, Larousse, 1986, articles Aphorisme, Citation et Fragment.
Aide pour les pages des genres littéraires.
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