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SATIRE, PAMPHLET, ÉPIGRAMME, PARODIE

Informations.
  1. Temps et lieux.
  2. Auteurs et oeuvres.
  3. Définition et fonction dans la société.
  4. Origines et postérité.
  5. Bibliographie.
Extraits. Contre Gallicus.
Candide.
Le Supplice de la goutte.
Pastiche du style de Jacques Brault.
Procédés typiques. Ingrédients.

1. Temps et lieux.

Début. VIIe siècle av. J.-C.; Archiloque est le premier auteur satirique connu. Fin. Encore d'actualité.
Lieu. Il se rencontre dans bien des littératures, mais spécialement dans les littératures anglaise et française.

2. Auteurs et oeuvres.

Auteurs d'épigrammes.
Callimaque (v.-315 à v.-240), Poésies.
Catulle (v.-87 à v.-54, Latin), Poésies.
Martial (v.40-v.104, Latin), Épigrammes.
John Owen (16e siècle, Anglais), Épigrammes.
Clément Marot (1496-1544), Épigrammes.
Nicolas Boileau (1636-1711), Poésies.
Voltaire (1694-1778), Poésies.
Nicolas de Chamfort (1741-1794), Maximes, Pensées, Caractères et Anecdotes.
Paul Léautaud (1872-1956), Propos d'un jour.

Auteurs de satire.
Archiloque (v.-712 à -648, Grec), Iambes.
Horace (-65 à 8, Latin), Satires.
Perse (34-62, Latin), Satires.
Pétrone (mort en 65, Latin), Satiricon.
Juvénal (v.55-v.140, Latin), Satires.
Lucien (v.125-v.192, Grec), Dialogues des morts.
Pierre le Laboureur (poème attribué à William Langland, v.1322-v.1400).
Roman de Renart (fin 12e-début 13e s., auteur inconnu).
Till Eulenspiegel (début 16e s., auteur inconnu).
Érasme (1469-1536, Hollandais), Éloge de la folie.
François Rabelais (v.1494-1553), Pantagruel.
Clément Marot (1496-1544), L'Enfer.
Joachim du Bellay (1522-1560), Le Poète courtisan.
Pierre de Ronsard (1524-1585) Discours.
Miguel de Cervantes (1547-1616, Espagnol), Don Quichotte.
Agrippa d'Aubigné (1552-1630), Les Tragiques.
John Donne (1573-1631, Anglais), Poésies.
Mathurin Régnier (1573-1613), Satires.
Quevedo (1580-1645, Espagnol), L'Histoire de la vie du filou don Pablo, exemple des vagabonds et miroir des fourbes.
La Satire Ménippée (1594, ouvrage politique collectif).
Jean de La Fontaine (1621-1695), Fables.
Molière (1622-1673), Les Précieuses ridicules.
Nicolas Boileau (1636-1711), Satires.
Jean de La Bruyère (1645-1696), Les Caractères.
John Arbuthnot (1667-1735, Écossais), Le Procès sans fin ou Histoire de John Bull.
Jonathan Swift (1667-1745, Anglais), Les Voyages de Gulliver.
Joseph Addison (1672-1719, Anglais), Le Spectateur.
Alexander Pope (1688-1744, Anglais), La Dunciade.
Montesquieu (1689-1755), Lettres persanes.
Voltaire (1694-1778), Candide.
Denis Diderot (1713-1784), Le Neveu de Rameau.
Tobias Smollett (1721-1771, Écossais), Histoire d'un atome.
Lord Byron (1788-1856, Anglais), Don Juan, satire épique.
Heinrich Heine (1797-1856, Allemand), Tableaux de voyage.
Victor Hugo (1802-1885), Les Châtiments.
Gustave Flaubert (1821-1880), Bouvard et Pécuchet.
Samuel Butler (1835-1902, Anglais), Erewhon.
Louis-Ferdinand Céline (1894-1961), Voyage au bout de la nuit.
Aldous Huxley (1894-1963, Anglais), Le Meilleur des mondes.
Bertolt Brecht (1898-1956, Allemand), La Résistible Ascension d'Arturo Ui.
Benjamin Péret (1899-1959), Je ne mange pas de ce pain-là.
Jacques Prévert (1900-1977), Tentative de description d'un dîner de têtes à Paris-France.
Marcel Aymé (1902-1967), Uranus.
Georges Orwell (1903-1950, Anglais), La Ferme des animaux.

Auteurs de pamphlets.
Blaise Pascal (1623-1662), Les Provinciales.
Jean-Paul Marat (1743-1793), Les Chaînes de l'esclavage.
Camille Desmoulins (1760-1794), La France libre.
André de Chénier (1762-1794), Iambes.
Paul-Louis Courrier (1772-1825), Pamphlets.
Henri Rochefort (1831-1913), La Lanterne.
Jules Vallès (1832-1885), Les Réfractaires.
Arthur Buies (1840-1901, Québécois), La Lanterne.
Émile Zola (1840-1902), J'accuse.
Octave Mirbeau (1846-1917), Le Comédien.
Léon Bloy (1846-1917), Les Dernières colonnes de l'Église.
Charles Péguy (1873-1914), Notre jeunesse.
Jean Paulhan (1884-1968), De la paille et du grain.
René Crevel (1900-1935), L'Esprit contre la raison.
Pierre Vadeboncoeur(1920, Québécois), Un génocide en douce.
Jean-François Revel (1924), La Cabale des dévots.
Pierre Vallières (1937, Québécois), Nègres blancs d'Amérique.
Pierre Falardeau (1946, Québécois), La Liberté n'est pas une marque de yogourt.

Auteurs de parodies.
Cervantès (1547-1616, Espagnol), Don Quichotte.
Paul Scarron (1610-1660), Virgile Travesti.
Marivaux (1668-1763), L'Homère travesti ou l'Iliade en vers burlesques.
Eugène Labiche (1815-1888), Une tragédie chez M.Grassot.
Lautréamont (1846-1870), Chants de Maldoror.
Marcel Proust (1871-1922), Pastiches et Mélanges (ses pastiches sont en fait des parodies déguisées).
Louis Francoeur (1895-1941, Québécois), Littératures, à la manière de....
Jorge Luis Borges (1899-1986, Argentin), Pierre Ménard auteur de Don Quichotte.

3. Définition et fonction dans la société.

La satire est une représentation critique et comique d'un défaut, d'un vice, d'un mensonge observé dans la réalité, sur le plan moral, politique ou social. Cette représentation peut prendre des formes diverses: poème (on a longtemps considéré la satire comme étant l'apanage de la poésie, elle constituait un genre poétique à part entière: témoin la tradition des poètes satiriques allant de Horace à Boileau), récit, théâtre, essai. Quelle que soit la forme qu'elle emprunte, la satire se présente toujours comme un texte orienté, engagé; le comique n'y est jamais gratuit. Elle a une cible située à l'extérieur du texte: cela peut être un comportement, une idée (dans Candide de Voltaire, la cible principale est la conception optimiste du monde proposée par des philosophes comme Leibniz), une personnalité publique, une institution, etc. L'auteur satirique perçoit le monde autour de lui comme un désordre, une absurdité, où la logique et la vérité ne sont pas respectées, mais bafouées, trahies. Refusant d'adhérer à ce monde, et au nom de la logique et de la vérité universelles qu'il partage avec les gens de bon sens, il choisit de l'attaquer avec une arme de choix: l'humour (le rire). En tournant en dérision tout ce qui appartient à ce monde, en grossissant, en caricaturant ses défauts et ses vices, il cherche à le discréditer, à le disqualifier, à dévoiler sa fausseté, son incohérence. Le rire satirique comporte du mépris, parfois même de l'agressivité, mais il écarte la passion, le tragique; la satire implique une distance, un détachement.

À travers cette dénonciation, l'auteur satirique poursuit un but précis: corriger le monde, rétablir un ordre perdu. Le discours satirique comporte donc deux aspects: d'une part, il y a la dynamique du rire et, d'autre part, la «morale’ ou la leçon ou le souci de vérité (toujours plus ou moins implicite) qui témoigne d'une volonté de changer les choses. L'équilibre entre ces deux éléments doit être maintenu pour éviter que la satire ne devienne une farce gratuite ou un texte moralisateur.

Comme la satire, le pamphlet est un discours orienté vers une cible extérieure: il dénonce, attaque des systèmes, des institutions, des personnalités publiques, etc. Cependant, il n'implique pas de détachement, de distanciation: le pamphlet est le genre le plus engagé qui soit. Il s'écrit non pas dans une distance ironique, mais au plus près du monde, dans la confusion et la violence du monde qu'il dénonce. Discours hybride, il est constitué d'éléments appartenant à l'essai, à la satire, à la polémique et à l'invective. Il joue le rôle de révélateur des défauts et des failles d'un système; il dévoile l'imposture généralisée (dans les moeurs, dans le langage, etc.), l'aliénation dont chacun est victime; il témoigne de l'incohérence, de l'absurdité du monde. Comme le satiriste, mais sur le mode passionné, le pamphlétaire cherche à rétablir un ordre perdu. Il n'est pas étonnant que le pamphlet se soit épanoui à des époques caractérisées par un grand désordre, une grande effervescence sociale: ex.: Révolution française, Révolution tranquille au Québec, Mai 68.

L'épigramme, à l'origine, n'était pas satirique: dans la Grèce antique, elle était inscrite dans la pierre et faisait l'éloge des guerriers, des athlètes. Elle s'est peu à peu transformée pour devenir une petite pièce de vers portant sur toutes sortes de sujet, traités sur un mode léger: l'amour, l'amitié, etc. C'est Martial qui le premier a donné une tournure satirique à l'épigramme: à partir de lui, elle devient un moyen privilégié d'attaquer un ennemi, de se moquer des gens et des moeurs. Cette attaque, cette moquerie se fait par le truchement d'un trait piquant, d'un mot d'esprit qui termine le poème. Ainsi, comme la satire et le pamphlet, l'épigramme est tournée vers une cible, elle témoigne de la même volonté de dégrader, de discréditer; elle cherche à agir sur le monde. Cependant, elle n'a pas la même portée que les deux autres genres: ses cibles font souvent partie d'une société plus ou moins close, à laquelle tous n'ont pas accès (cf. Martial et Léautaud, où les attaques sont souvent dirigées contre des ennemis personnels de l'auteur).

La parodie se définit comme l'imitation non sérieuse d'un texte (ex.: Virgile travesti), d'un genre (ex.: Don Quichotte) ou du style d'un auteur (ex.: texte no 4, Écrire à peine parler). C'est une reproduction qui souligne les défauts du texte, du genre ou du style d'un auteur en les grossissant, en les caricaturant. Elle imite en déformant, en travestissant (ex.:changement de ton: on passe du tragique au burlesque), dans une intention ironique. La cible de la parodie, c'est la plupart du temps un texte canonique, un auteur *laquo;sérieux»: subversion des formes littéraires qui font autorité. Mais ce texte ou cet auteur qu'elle attaque, elle a besoin de lui pour exister; elle n'a pas d'existence autonome. Alors que la satire porte surtout sur la fonction référentielle du langage, sur le monde situé hors du texte, la parodie joue davantage sur la fonction poétique du langage, sur le signifiant.

4. Origines et postérité.

Origines.
L'origine de la satire n'est sans doute pas très éloignée de celle du rire. Il y a eu chez l'être humain prise de conscience de soi et des autres, prise de distance qui lui a permis de porter un jugement sur les êtres et les choses. Conséquence: découverte des défauts, des discordances dans l'ordre du monde. Par la moquerie, l'être humain a cherché à révéler ces défauts, ces discordances, dans l'espoir de les corriger, de changer les choses.
La satire est apparue dans les premiers moments de la littérature occidentale (cf. Archiloque). Toutefois, elle n'a commencé à se développer comme genre littéraire qu'après l'épanouissement de la comédie en Grèce et à Rome. Elle a emprunté à la comédie (dont l'objectif premier était de faire rire) ses procédés parodiques pour les utiliser à des fins de critique politique, sociale et morale.

Postérité.
L'épigramme est tombée en désuétude.
La satire est plus que jamais dispersée dans d'autres genres littéraires: on la trouve dans un grand nombre de textes (surtout romans et pièces de théâtre), mais elle n'occupe pas toute la place (ex.: L'Avalée des avalés de Ducharme). En revanche, elle s'est épanouie d'une manière importante dans le domaine de la chanson depuis une trentaine d'années: on n'a qu'à penser à des chansonniers comme Brassens, Ferré, Brel, Leclerc et, au Québec, Richard Desjardins; la critique sociale est au coeur de leurs préoccupations.
Le pamphlet, genre très lié aux circonstances, semble avoir perdu un grande partie de sa popularité. Cela peut s'expliquer par le déclin des idéologies moralisatrices, remplacées par de la communication.

5. Bibliographie.

ANGENOT, Marc, la Parole pamphlétaire, Paris, Payot, 1982, 425p.
Dire la parodie, sous la direction de Clive Thomson et Alain Pagès, New York, Peter Lang, 1989, 397p.
DUCHESNE, A. et LEGUAY, TH., Petite fabrique de littérature, Paris, Magnard, 1987, 319p.
GENETTE, Gérard, Palimpsestes, Paris, Seuil, 1982, 468p.
ISSACHAROFF, Michael, Lieux comiques ou le temple de Janus, Paris, José Corti, 1990, 160p.
LAURENS, Pierre, l'Abeille dans l'ambre (célébration de l'épigramme), Paris, Les Belles Lettres, 1989, 568p.
VAILLANT, Alain, le Rire, Paris, Quintette, 1991, 96p.
Onze études sur l'esprit de la satire, éditées par Horst Baader, Tübingen: Narr; Paris: Place, 1978, 219p.
Satire (theory and practice), sous la direction de Charles A. Allen et George D. Stephens, Belmont, Wadsworth publishing company, 1962, 182p.
Le Singe à la porte (vers une théorie de la parodie), textes rassemblés et édités par Groupar, New York, Peter Lang, 1984, 166p.

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